Boulogne, une école du rap français

Je n'ai jamais vécu au Pont de Sèvres. Même si j'ai été un court temps Boulonnais, je n'y ai jamais trainé, au sens habituel du terme. Mais que ce soit enfant, adolescent ou adulte (tant est que je le sois), c'est un quartier où je me suis souvent rendu. Pour le traverser, pour visiter des gens, pour accéder à des transports, pour rejoindre l'autre côté de la Seine, dans un sens ou dans l'autre selon où j'habitais durant toutes ces époques.

Quand j'étais petit, alors que ma mère m'emmenait avec ma soeur faire des courses dans le supermarché sous la cité, ou quand mon père nous récupérait en voiture, j'étais fasciné par cette usine sur l'île Seguin, par les quais côté Meudon avec leurs immeubles modestes et noircis par la circulation et le manque d'entretien. Juste après il y a l'île St Germain et cette curieuse sculpture monumentale qui dépasse. Je l'assimilais à un totem indien. Et pendant que ma mère remplissait son caddie, parfois, j'étais libre de jouer dans les dédales de la cité avec ma sœur. On finissait souvent sur la Place Haute. 

Je n'imaginais alors rien de ce que ce quartier était. 

Dans l'histoire de France. Dans l'histoire ouvrière. 

Dans le rap français tout court 

Puis j'ai grandi. 

J'ai appris l'histoire. 

Je suis sorti de mon cocon, un peu malgré moi. 

J'ai découvert les autres, la société, souvent injuste, tout le temps passionnante. 

J'ai continué à grandir. Je suis tombé dans le rap, vu les stickers Beat 2 Boul pulluler sur la colline bourgeoise qui surplombe Boulogne et où je partageais mon temps avec l'appartement de mon père à Paris. 

En grandissant encore, j'ai senti l'énergie. Comme une herbe sauvage qui pousse là, dans le goudron.

 Un ami est en classe avec Salif, au moment où il part sur la tournée de Suprême NTM. Quand ils sortent, je sais tout de suite de quoi parlent des morceaux comme "C'est ça ma vie" ou "C'est chaud". À mon échelle je fais la même chose. On savait ce qu'était réellement le 160, du numéro du bus qui fait la liaison entre le Pont de Sèvres et la place de la Boule à Nanterre. Parce qu'en fait, je ne faisais pas seulement la même chose : on faisait tous la même chose. Même si ce n'était pas toujours de la même manière ni pour les mêmes raisons.

Tout était plus clivé à l'époque, c'était difficile d'être dans deux équipes à la fois. 

Comme quoi tout n'est pas tout le temps mieux avant. 

Depuis, je continue à traverser régulièrement le quartier du Pont de Sèvres. Pour différentes raisons. Et désormais je m'y rends régulièrement pour visiter ma mère, qui y habite avec sa petite retraite de fonctionnaire sur le tard et ses gros malheurs sur le tas. Digne malgré tout. Elle vit dans ces immeubles modernes qui ont remplacé ceux de Renault et dans lesquels le département a provisionné des logements. Le quartier a continuellement changé. Il est encore en travaux, ça dure depuis si longtemps. Une station du grand Paris est en train d'y voir le jour, à côté de l'éternelle gare de bus. Cette dernière est toujours aussi triste et sinistre. Sur l'île Seguin, l'usine n'est plus là. Une salle de concert l'a remplacée, seuls quelques murs ont été conservés. Un peu pour la mémoire ouvrière, beaucoup parce que ça reste Boulogne après tout. 

Là-bas, le rap est resté, lui aussi. Avec son histoire , ses identités, son cachet. Tout comme le Pont de Sèvres a toute une histoire , de multiples identités et son cachet. Celui que tous ceux qui le connaissent mal lui dénient à cause de son béton crépi et des autoroutes urbaines qui le traversent. Un livre de mon ami Nicolas Roges l'a brillamment rappelé cette année.

 De ce livre, L'Abcdr a décidé d'en réaliser la bande son, à travers les mains et oreilles expertes de mon ami DJ Bachir et la plume de mon éternel camarade Baptiste B2. Quand j'ai su qu'ils étaient en galère de visuel, je me suis dit que mon regard avait sa place. Il était après tout déjà de passage sur la Place Haute il y a 36 ans de cela. Je suis heureux d'avoir fait les photos et réalisé la pochette de cette mixtape "Boulogne, une école du rap français". Parce qu'il y a tous les regards de ma vie dedans, de l'enfance à aujourd'hui. Rien ne pouvait avoir plus de sens pour moi en ce qui concerne ce quartier et cette musique. Parce que dans ma grammaire de vie, le Pont de Sèvres est un des traits d'union.

Pour écouter le mix, rendez-vous sur l'Abcdr du Son, évidemment.

Ci-dessous des propositions alternatives à celle choisie par la rédaction.

La mer du Nord

Un jour j'écrirai sur la mer du Nord
Sur ce petit morceau de bout du monde qui n'en est pas vraiment un
Ces jetées où se couchent ensemble le gris du ciel et celui de la marée
Un jour j'écrirai sur ce bord de terre où les enfants jouent sous les nuages
Sur ce petit morceau de bout du monde qui en est tout de même un petit peu un
Là où j'ai laissé les embruns crayonner mes yeux bleus cendrés
Un jour j'écrirai sur la mer du Nord
Jusqu'à ce que les mystères se rejoignent
En ce bout du monde qui est un petit peu le mien.

Texte rattaché à cette photo et à celles de la mer du Nord prises à La Haye.

Otoboke Beaver live on KEXP

Découvert complètement par hasard, ce groupe de punk japonais - pas encore super connu mais pas complètement inconnu non plus - m'a définitivement bluffé sur ce live.

Les quatre musiciennes d'Otoboke Beaver, en plus d'avoir une attitude punk, m'ont subjugué par la construction de leurs chansons. C'est court, puissant, souriant, insolent et énervé à la fois. 

Mais surtout, rythmiquement, c'est hyper riche, bourré de ruptures, de changements, et le tout est calé à la perfection. Les interactions entre chaque membre du groupe sont milimitrées. 

Le punk est souvent décrit comme une musique basique, sans beaucoup de maîtrise technique, ne nécessitant pas beaucoup de travail juste beaucoup d'inconvenance et d'énergie. C'est parfois vrai, souvent faux. Et surtout ici, ça ne perd ni en spontaniété ni en liberté. Sauvage et carré, noisy et pro, bordélique et maîtrisé.

Nivek - "Histoire"

Je ne sais pas ce que je foutais au mois de mars 2021. Enfin, si, je sais, et justement j'aurais été bien inspiré de faire autre chose, notamment de tomber sur ce morceau que je ne découvre qu'aujourd'hui. Si je n'avais pas deux ans de retard, c'est évidemment sur l'Abcdr que j'en aurais parlé. M'enfin, bon, ainsi soit-il.

Comme quasi toujours entouré de Kremlin et Juke au son, Nivek fait ce qu'il sait faire, et toujours bien : des sons rétrospectifs, qui sonnent à la fois solitaires et solidaires. Le phrasé du Corpopétrussiens a toujours été propice à ces morceaux qui se souviennent de moments et trajectoires de vies, banales aussi bien dans le partage que dans le tragique. Pour paraphraser un de ces précédents titres, Nivek a toujours su se placer comme le "mec à part", dans sa voix et avec son côté solitaire qui réfléchit et se remémore à voix haute. S'il a tenté des choses plus aériennes et "modernes" lors de V avec Juke, le rappeur de St Pierre des Corps (maintenant vous savez ce qu'est un Corpopétrussien) rappe la rue en n'y oubliant jamais une part d'enfance, et toutes les histoires de quartier des petits et des grands, dans un beau mélange entre tensions et partage.

J'en profite pour placer une courte sélection de titres de Nivek que j'affectionne ci-dessous, pour ceux qui voudraient le découvrir un peu plus :

Vie d'alloca
Mec à Part
Le Village des hommes
Chevalier Noir
Paire de Puma

Of Nature, de Tamara Dean (et moi)

Of Nature, de Tamara Dean, exposée au Parc de St Cloud
En rentrant d'une mission matinale au bord d'une des veines qui irrigue la ville, j'ai fait un détour et suis tombé sur les superbes photographies de Tamara Dean, exposées dans un cadre où les jardins à la Lenôtre côtoient des sentiers un peu plus champêtres. Je n'avais que mon téléphone sur moi, avec son écran fissuré et son capteur un peu pourri.

Prendre des photos en photo, j'ai toujours trouvé ça stupide.
Je l'ai quand même fait.
Comme un reproche, un hélicoptère de la gendarmerie bourdonnait au-dessus de ma tête. 

Le papier brillant des tirages m'a laissé voir mon reflet, flou, trouble, indéfini. Une ombre qui n'avait rien à faire sur l'image. 
Ça ne ressemblait à rien. 

Alors quitte à être là, sur l'image, je me suis décalé d'un pas, j'ai fléchi un genou. Pour être dans l'image. 
Et ça n'a aucun sens. 
Au point qu'une amie m'a dit qu'elle ne me reconnaissait pas. 
Que ces photos ne paraissaient pas être de moi.
 Elle a raison. 
Elles sont de Tamara Dean. 
Moi je n'ai fait qu'être là. 

Prendre des photos en photo c'est vraiment stupide. 
Alors on fera comme si j'étais pas là.

Les photos de Tamara Dean sont visibles au Domaine National de Saint-Cloud jusqu'au 20 octobre, et également dans cet article qui lui est consacré.

1978 par DJ Pone

J'ai eu le plaisir et l'honneur de longuement interviewer DJ Pone par le passé. Et il y a quelques mois, à l'automne, j'ai été contacté par sa maison de disques pour réaliser un nouvel entretien, préalable à la sortie de son nouvel album, 1978.

Ce sont habituellement des choses que je refuse de faire, préférant ma petite liberté de chroniqueur musical aux arcanes des maisons de disques. Par le passé, j'avais fait une seule exception pour Arm, dont je signais le communiqué de presse. Au final, c'était plus une chronique aérienne de son œuvre qu'un objet de communication à destination de la presse, mais ça m'allait bien comme ça. J'ai été payé en vinyles et, ça aussi, ça m'allait parfaitement.

Pour Ponard, j'ai aussi accepté. Parce que j'ai beaucoup d'admiration pour le parcours, pour la personne, et aussi pour ses engagements, tenus avec une pudeur que je respecte. Même si j'ai dit "oui" tout de suite à cette sollicitation, le fait que cet album touche quelque chose de plus électro qui n'allait pas rentrer en conflit avec ce que je peux faire pour l'Abcdr m'a aidé. Bon, en même temps ces derniers mois, je ne fous pas grand chose pour l'Abcdr. 6 ans de coordination éditoriale et projet, un livre, un jeu, des podcasts, une expo photo, je crois que j'ai besoin de souffler. :)

J'ai donc réalisé un long entretien avec Pone. Celui avait un objectif : balayer de façon exhaustive sa carrière et la toile d'araignée culturelle qui peut être tissée à partir de son parcours. Comme le DJ l'a expliqué récemment à la RTBF : "Je m’aperçois qu’aujourd’hui il y a toute une génération qui a la vingtaine et qui ne sait pas qui je suis. Et c’est tout à fait normal. J’ai envie d’aller chercher des plus jeunes avec mon disque, ce pour quoi je fais des petites piqûres de rappel, même si ici ce n’est pas un reportage à la Orelsan. Je trouvais que c’était bien de resituer certaines choses. Même dans mon label, je pense qu’il y a des gens qui découvraient que j’avais été DJ pour untel ou untel."

La carrière de Pone est en effet tentaculaire. J'ai eu grand plaisir à mener cette longue discussion. Mais j'ai aussi apprécier "lâcher prise" (pour reprendre une expression à la con très en vogue) sur mon propre travail, puisque celui-ci allait finir condensé en une série de courtes vidéos de quelques minutes. Moi qui généralement ne fait pas de formats courts, j'ai trouvé intéressant de voir comment la matière première que j'avais produite avait été remodelée afin de s'adresser à un public plus large, et donc forcément moins au fait. J'ai apprécié le résultat.

Pour retrouver ces vidéos, c'est ci-dessous. Et pour écouter 1978, c'est chez votre disquaire ou sur les infâmes plateformes d'écoute en ligne pour ceux qui s'en servent.

Beastie Boys: The Greatest Group Of All Time

Pour HipHopDx, Murs explique en quoi il considère les Beastie Boys comme le plus grand groupe de hip-hop de tous les temps. Pas le meilleur, pas son favori, non, bel et bien le plus grand.

We’re talking about objective achievements, consistency, quality and overall impact on the game

Il y a eu énormément d'analyses sur les Beastie, j'y ai moi-même modestement contribué (notamment ici). Mais je me rends compte qu'il y en a peu qui rendent justice au groupe en posant honnêtement les choses comme le fait Murs dans cette vidéo.Et que ce soit lui qui le fasse rend le tout encore plus légitime et percutant.

Pourquoi le complotisme est-il si important aujourd'hui ? Podcast

Je ne fais pas exception à la règle : dans mon entourage, j'ai vu ces dernières années un certain nombre de personnes s'arrimer à ce qu'on nomme des "théories complotistes".

Si j'ai de l'affection pour ces personnes, je laisse couler tant que leurs propos ne sous-tend pas une pensée raciste ou fasciste. Cela dit, mes interlocuteurs sentent bien mon scepticisme, le désintérêt que je peux avoir et parfois même ma colère rentrée devant ce qu'ils disent. Forcément, nous nous éloignons les uns des autres. Seulement c'est une séparation lente, insidieuse. En quelque sorte, je pratique la démission silencieuse.

Si à l'inverse je n'ai pas d'affection pour les personnes en question, j'écoute ce qu'elles disent pour mieux comprendre ce qui nourrit le discours complotiste en général. Mais je me garde bien de réagir, estimant que je n'ai pas de temps à perdre.

Je dois avouer aussi que je suis sincèrement fatigué de manière générale. Je dois reconnaître que la profusion d'information et d'opinion m'épuise tout autant. Bref, je préfère lire des livres ou des articles bien foutus, me renseigner sur qui je lis ou écoute, plutôt que de rajouter du bruit au monde actuel. De manière générale, j'ai besoin de silence mais ça, j'y reviendrai plus tard, dans un autre billet, qui sera l'occasion pour moi de parler du syndrome de misophonie (à moins que ce soit de la phonobie ou de l'hyperacousie).

Il y a une troisième catégorie de personnes (quelle horreur ce principe de catégories appliquées aux gens dont je fais usage ici) dont je dois composer avec leur conspirationnisme : les rappeurs. J'ai toujours aimé le rap politisé, le rap qui parle du monde au sens planétaire et géopolitique du terme. Je n'y ai jamais trouvé de réponses, ce n'est pas là que je les cherche de toute façon. Mais j'y ai souvent trouvé un formidable terreau d'interrogations. Malheureusement je dois constater que depuis plusieurs années, et encore plus depuis la crise sanitaire du COVID-19, de plus en plus de rappeurs que je trouve pourtant extrêmement talentueux tombent dans des lignes complotistes et injectent une vision du monde dans leurs textes qui à mon sens est erronée. C'est particulièrement prégnant dans toute une sphère du rap dit "indépendant" et je suis démuni par rapport à cela. Démuni car je ne sais pas comment en parler dans le cadre de mon exercice de chroniqueur musical, craignant de mettre une pièce dans la machine et de donner de la visibilité à ces théories. Mais je suis aussi désabusé. Désabusé de voir des rappeurs que je jugeais des porte-voix essentiels abîmer les réalités qu'ils portent en instillant dans leurs textes des éléments erronés et qui trahissent une vision du monde au mieux falsifiée, au pire dangereuse. Pour ceux que ça intéresse, j'ai écrit sur ce désenchantement il y a environ deux ans dans les colonnes de l'Abcdr du Son.

Je suis tombé aujourd'hui sur un épisode des podcasts de Nota Bene consacré au complotisme. Il accueille pendant deux heures Marie Peltier pour balayer ce vaste sujet. L'échange est dynamique, riche, et surtout très sincère intellectuellement. À l'issue des deux heures d'écoute, je ne dirais pas que mon découragement et mon désenchantement ont totalement disparu. Mais cela m'a permis de recharger mes batteries sur le sujet et de regarder les complotistes avec un œil moins passif, plus humain aussi. Bref, ça me les a rapprochés en tant qu'individu, tout en me poussant encore plus dans ma défiance envers les propos qu'ils portent.

Ce que j'ai particulièrement aimé dans ce podcast est la façon dont Marie Peltier remet en perspective le complotisme, que ce soit dans son histoire ou dans ses ressorts idéologiques et émotionnels. Mais j'ai aussi aimé la façon dont elle pousse les non-complotistes à s'interroger sur eux-mêmes et leurs propres biais, ainsi qu'à faire preuve d'humilité. Enfin, j'ai trouvé très précieux de rattacher tout cela à une défense de la vision du monde, et de l'assumer telle quelle dans son discours. Pour résumer ce dernier point : Si les faits sont évidemment essentiels, ils ne sont qu'une base de dialogue limitée dans un échange avec des personnes défendant (ou sous l'influence) d'une ou plusieurs théorie du complot. Les faits sont l'alpha et l'oméga, mais ils ne sont que rarement une base de dialogue. Le complotisme sous-tend une vision du monde, des opinions. "Nous" devons nous-mêmes être transparents sur nos opinions et les porter solidement face à cela.

J'ai aussi aimé ce questionnement sur le journalisme qui s'impose tout au long de l'épisode, notamment comme quoi le journalisme d'investigation serait le seul et unique "bon journalisme". Entendons-nous bien ici, ce journalisme est essentiel, il n'est pas question de remettre en cause sa pratique ni son existence. Marie Peltier rappelle simplement que la mise en avant de ce journalisme comme la quintessence de l'exercice de la profession repose sur un ressort identique à celui des complotistes : donner le sentiment le monde est fait de vérités cachées. L'idée n'est pas de discréditer ce journalisme, mais plutôt de rappeler que le journalisme que le journalisme est tout aussi essentiel lorsqu'il rapporte des faits qui n'ont rien de caché, mais qui ne sont simplement pas ou peu connus.

Il y a plein d'autres choses passionnantes dans ce podcast. Attention, il dure deux heures et son écoute complète est essentielle. J'en profite pour dire que Nota Bene produit de nombreux épisodes sur un large spectre de sujets, tous touchant à l'histoire. C'est souvent très bien fait, avec sérieux tout autant qu'une bonhommie certaine.

Lana Del Rey - Doin' Time (Sublime's cover)

En cherchant une retranscription des paroles du titre "Doin' Time" de Sublime, j'ai découvert que l'histoire récente attribuait cette chanson de mes été adolescents à Lana Del Rey. Je n'étais pas du tout au courant de cette reprise de l'un des plus beaux morceaux du regretté Bradley Nowell et sa bande. La chanteuse m'a surpris, tant par son respect de la version originale que le côté hypnotique qu'elle y insère, notamment à travers une voix très finement traitée (une reverb à la douceur inégalée) et les nappes d'arrangements synthétiques très finement placées. Quant au clip, c'est le genre de démenti à ce que je radote sans cesse : ne pas découvrir une chanson avec des images.

Timelapse du futur

Alors que via un quotidien généraliste et populaire je prenais connaissance d'une nouvelle théorie quant à la formation de la Lune, je suis tombé de fil en aiguille sur cette vidéo.

Je n'ai absolument pas les compétences pour juger de sa pertinence scientifique. De l'aveu même de son auteur, elle repose sur des hypothèses que la communauté scientifique elle-même peut émettre sans être en mesure de les valider. D'après mes recherches, ce film de 30 minutes n'a en tous cas pas été décrié. Il a par contre bouleversé nombre de personnes, qui y ont vu une remise en cause fondamentale de leurs croyances. Je dois bien avouer qu'il y a ici un potentiel certain pour développer une crise existentielle. Mais je crois surtout que ce film est un excellent remède contre la vanité humaine. Et il est très beau, aussi angoissant puisse t-il être.

Yan Lindingre, le Canard l’a tué (blast-info.fr)

Le Canard est un de mes animaux favoris. Il est aussi un journal pour lequel j'ai une profonde admiration. Paradoxalement pourtant, ce n'est pas du tout le type de journalisme qui me fait rêver. J'ai toujours exécré ce journalisme de "carnet d'adresses" et de "réseaux", de "dîners en ville" et de messes basses récoltées et vérifiées derrière une assiette ou un bureau. Mais Le Canard (Enchaîné), je l'aime quand même. Pour sa capacité à taper partout et sur tout évidemment. Pour son côté fouille-merdes et son aptitude à dresser de véritables portraits des coulisses de la politique. Mais je l'aime aussi pour son rubricage malin et piquant. Son format et son impression, presque hors du temps. Son refus du numérique aussi (bien que le journal ait fini par céder à une version électronique). Les plumes acides et pinçantes, les coups de becs bien écrits, et même la petite part d'auto-critique (la rubrique "Pan sur le bec"). Enfin j'aime le Canard pour son prix et son modèle économique. C'est bien connu, le Canard et ses sociétaires sont assis sur un tas d'or, qui garantit leur indépendance. Et ça, ça n'a pas de prix. Que le Palmipède n'ait jamais cédé à la folie des grandeurs, j'ai toujours trouvé ça noble.

Du moins, je le croyais. Car Le Canard ne semble pas exempt de petits arrangements entre amis, du même genre de ceux qu'il aime dénoncer. L'affaire Escaro - du nom de l'un des dessinateurs historiques du journal - a révélé qu'il y avait quelque chose de pourri dans la rédaction du Palmipède. Et l'entretien donné par le dessinateur pigiste Yan Lindingre au magazine Blast fait plus qu'écorner le mythe du journal historique. C'est même édifiant. C'est à lire ici.

J'ajouterai que je reste par contre sceptique aux accusations de dérives réactionnaires du Canard Enchaîné. En vérité, non, je ne suis pas sceptique d'ailleurs. Le Palmipède a une rédaction vieillissante, cela est très juste. Le corollaire est évidemment un propos moins en phase avec la réalité et l'air du temps, les préoccupations d'hier n'étant pas forcément celles d'aujourd'hui. Mais le boulot du Canard, ce pourquoi on l'aime (car même les politiques aiment le Canard, s'ils s'y font épingler un jour, ils savent qu'ils pourront y courir six mois plus tard pour balancer un petit "copain" dont ils souhaitent se débarrasser), ce n'est pas de faire du journalisme social ni d'opinion. C'est de décrire ce que les dirigeants du monde moderne font en coulisses. Quant à moi, j'ai toujours pensé qu'il était plus sain de lire L'Humanité et Le Figaro dans une même journée que de biberonner perpétuellement et uniquement au Monde chaque midi. Bien que je n'ai pas une très grande opinion de moi-même ces derniers temps, s'il y a bien un domaine où je me pense encore un tant soit peu intelligent, c'est dans ma capacité à identifier qui me parle. Mes parents puis mes amis d'enfance ont complété le tout en m'éduquant de sorte à ce que j'identifie les quelques torchons qui ne méritent pas que mes mains les effleurent. Ni même que je prenne le soin de les nommer, que ce soit ici ou ailleurs.

Moonchild Sanelly & Sad Night Dynamite - Demon

À certaines périodes de ma vie, je me colle devant un jeu-vidéo. Cela me permet généralement de passer moins de temps dehors, et donc à ne pas céder à certains démons. Ces dernières semaines, j'ai fait simple puisque je me suis branché sur la simulation de football que tout le monde connaît. De ce genre de jeux, je n'attends pas grand chose du sound design, et encore moins d'une B.O. J'ai néanmoins été extrêmement surpris par le soin que l'éditeur a accordé à la bande-son de son produit. J'ai cru comprendre que le pari était de fournir une playlist touchant à tous les genres et allant chercher des artistes du maximum de pays, sachant qu'une des choses formidables dans le football, c'est que malgré la bêtise de certaines et les saloperies du business, il reste universel, et que pour n'importe quel curieux, c'est un fabuleux moyen de faire le tour du monde.

Parmi tous les sons, un m'a absolument fasciné dès la première écoute. Je n'ai d'abord pas su ses auteurs (le jeu n'indique pas les titres diffusés). J'ai néanmoins retrouvé dans cette musique quelque chose des Sud Africains de Die Antwood. Même pop à l'irrévérence punk matinée de musique électronique et de hip-hop. Même type de voix mi-enfantine, mi-possédée, à l'insolence certaine.

À force de tomber sur cette chanson et d'être à chaque fois aussi fasciné que si c'était la première, j'ai fait des recherches. Visiblement, je n'étais pas le premier si j'en crois le nombre de personnes sur internet qui se sont posées la même question que moi et la vitesse à laquelle j'ai obtenu ma réponse. Le titre s'appelle "Demon", pas tout à fait ceux que je fuis devant une console (quoi que, avec un peu de métaphores et d'allégories, pourquoi pas). Et mes intuitions n'étaient pas si mauvaises. Moonchild Sanelly est une artiste sud-africaine, comme les Die Antwood... avec lesquels elle a d'ailleurs tournée ! La chanson est réalisée en collaboration avec les Anglais de Sad Night Dynamite. Eux, c'est beaucoup moins ma came, mais avec Moonchild Sanelly, c'est franchement imparable.

Fade Into You

Alors que je me noie langoureusement dans le shoegazing de Mazzy Star et de tous les groupes associés à Hope Sandoval, je découvre cette reprise du seul "hit" du duo. Elle est signée par la géniale Valerie June (dont un album est en approche). Sa version est un peu plus organique et souriante que l'originale, mais elle préserve cette torpeur doucement vénéneuse mise en musique par le duo formé de David Roback et Hope Sandoval. Un son qui amènera toujours ailleurs lorsqu'il est entre de bonnes mains. Aux frontières du cosmique comme le dit Jazz Radio.

Ma fée

Irradie la terre
De tes miaulements solaires,
Fée de fourrure
Féline dans ta parure,
Notre entrechat à l'interstice des sous-bois,
L'armistice en t'effleurant du bout des doigts,
Une dernière fois.

Mélusine.

The Collapse of USSR

Incroyable documentaire constitué d'une série de poignants témoignages sur la chute de l'URSS, et plus particulièrement sur la période qui a suivi, le chaos des années 1990 dans le pays. En filigrane, il donne une petite grille de lecture sur le pouvoir russe des années 2000.

Pour ne rien gâcher, ce document est illustré par de nombreuses images de lieux abandonnés, porteurs de la mémoire soviétique laissée à l'abandon. Ces lieux sont notamment repérés par la talentueuse Lana Sator.

Radi0 Silence

Audrey Meffray se fait appeler Radi0 Silence. Sa photographie est colorée et faite de lignes. S'y dessinent des instants décrits comme "suspendus". La photographe dit qu'elle "s'attache à faire de la photographie contemplative." Elle y ajoute un slogan : "shooting nothing but with feeling". L'humain est souvent tenu à l'écart, mais personnellement, ce que j'aime, c'est qu'on sent sa présence, que ce soit à travers des constructions, des lieux, des aménagements, ou simplement des façons de se mouvoir. Le résultat est à la fois éthéré et lumineux, sobre et joyeux, coloré mais fin. Le site web de Radi0 Silence a récemment été mis à jour et il est à voir en plus d'être agréable à parcourir ; https://radi0silence.com/ .

À côté de ça, Audrey Meffray est une artiste du couteau papillon. Un maniement impressionnant, rigoureux et discipliné, à suivre sur son autre compte Instagram consacré au sujet : drey.papillon.

Soul Assassins

Alors que je m'extasiais sur ce remix du titre "Hands on the pump" par DJ Muggs (et que je qualifiais celui de "How I Could Just Kill A Man" par Alchemist et Beat Butcha de parfaitement approprié pour une adaptation hippie de Temple of booms), je suis tombé de fil en aiguille sur ce merveilleux mix. Il retrace les meilleurs moments du début du Soul Assassins. Et la chaîne de l'auteur, Militant Vinylist, regorge de jolies choses, notamment d'un mix consacré à la production des Beatnuts.

Racorps

Racorps est un photographe qui travaille autour du corps. Ce n'est pas toujours puissant, mais quand ça l'est, ça l'est fortement. Quand ça ne l'est pas, ça reste délicat et atmosphérique. Un sentiment de confiance délicate et de calme retrouvailles avec soi-même émane de chacune de ses photos. Sans avoir l'air d'instantanés, ses images laissent une sensation de temps suspendu. Et n'est-ce pas la définition d'un instantané finalement que de suspendre le temps ? Pour des photos posées (ou en tous cas, pas "volées"), c'est fort.

Ce que j'ai aussi apprécié, ce sont les quelques mots que Racorps accole à son travail, particulièrement la façon dont il explique son cheminement. Ses mots simples et clairs sur des frontières parfois flous m'ont plu. Une de ses modèles - novice - livre également un très beau témoignage de ce que ses séances ont déclenché chez elle.

Ces derniers mois, j'ai eu le temps de m'exercer moi-même à l'auto-portrait. Et même si je n'en publie pas - ou très parcimonieusement - le travail, je réalise à chaque cliché à quel point cet exercice m'amène à me regarder différemment et en quoi sa motivation première cache parfois des expressions bien plus profondes. Pourtant quand je fais de l'auto-portrait c'est parfois cruel et souvent ça ressemble à une impasse. Mais je m'étonne toujours de trouver une porte dans laquelle m'engouffrer et où je finis par m'exprimer. Comme je me prends moi-même en photo, c'est un peu (beaucoup) plus lâche que poser devant l'appareil de quelqu'un puisque je garde l'entière maîtrise, celle de mon propre regard. Mais ça me rappelle qu'il faudra qu'un jour et à défaut d'en dévoiler les photos, j'écrive sur ce que cet exercice m'a moi aussi apporté dans mon rapport à mon corps.

Enfin, j'ai toujours admiré ces photographes qui construisent une identité, savent garder une ligne directrice, plutôt que de multiplier les exercices de style pour montrer leur polyvalence et leur adaptabilité. Pendant que j'ai tendance à tomber dans la seconde catégorie ces derniers mois, Racorps est de la première : celle qui sait mettre tout le monde d'accord en restant tendrement clair.

Le site de Racorps

Le projet Rapport au corps (et aussi un coup de cœur pour la série "ce que disent nos mains", dont la photo ci-dessus est issue.)

Underexposed Series by Evidence

J'ai beaucoup d'admiration pour Evidence. Le rappeur et producteur évidemment. L'humain que je ne connais pas personnellement mais qui m'a soufflé sur scène que c'était un rappeur singulier comme le monde en manque cruellement en ce moment. Et puis il y a le Evidence photographe. À l'occasion de la naissance de son label, Evidence distribue (ou plutôt distribuait, puisque tout s'est vendu) certaines de ses photos. Elles collent parfaitement à sa musique. Probablement logique tant la photographie a toujours eu une place particulière dans sa vie, que ce soit à travers sa mère, certains allusions discographiques, ou encore la réalisation de ses clips. La série s'appelle "Underexposed" est à admirer en écoutant Unlearning sur le site de Big Pictures Recording.

L'Europe du XXIème siècle selon Saint-Just

"Nous avons raté la marche. (...) Ce qui peut nous rester d'une vision épique de l'Histoire, ne devrions-nous pas l'enterrer au plus vite si nous voulons vivre heureux au 21ème siècle de notre air et non au 19ème. Verdun, Stalingrad, Hiroshima, Alger, Hanoï, Caracas, des millions de morts, des déluges de souffrances indicibles, dans quel but finalement ? Il m'arrive de penser que notre indifférence au destin collectif, notre repli sur la sphère privée, notre lente sortie de scène, ne sont pas qu'un lâche soulagement mais un épanouissement de la prophétie de Saint-Just : "Le bonheur est une idée neuve en Europe". En conséquence de quoi, il y a plus de sens et de dignité dans des luttes pour la qualité de l'air, l'égalité des droits entre homos et hétéros, la sauvegarde des espaces verts et les recherches sur le cancer que dans de sottes, et vaines, querelles de tabouret sur un théâtre d'ombre." - Régis Debray

Ces mots du philosophe ont été publiés en 2013 dans les colonnes du Monde Diplomatique, sous forme de lettre ouverte destinée à celui qui fut ministre des affaires étrangères jusqu'à 2002. Ils ont été repris ces derniers jours dans un podcast du Monde Diplomatique, consacré à ce qu'il est désormais convenu d'appeler "La crise des sous-marins". Huit ans après avoir été écrites, ces phrases sont une précieuse adresse à l'époque, où l'orgueil occidental, européen puis national continue encore et toujours de ne pas se situer là où il devrait.

Des jouets pas comme les autres

Cela faisait longtemps que je voulais évoquer ces deux séries du photographe Gabriele Galimberti.

La première s'appelle Ameriguns. La seconde s'appelle Toy Story. Et je crois que les confronter l'une à l'autre en dit beaucoup sur le monde dans lequel on vit. Mais également qu'elle exprime ce qu'il se passe parfois entre l'enfance et l'âge adulte.

Ameriguns

Pour la série Ameriguns, le photographe italien est parti du constat qu'aux États-Unis, le nombre d'armes en circulation est supérieur à celui de la population. Il a donc décidé de parcourir le pays pour rencontrer les Américains qui possèdent plus d'une arme. Devant l'objectif du photographe, les "fiers propriétaires" d'armes à feu - pour reprendre les mots de Gabriele Galimberti - posent avec leur collection. Généralement, les armes de guerre sont légions, et quasiment toutes sont automatiques. Il y a ici peu de place pour les armes de collection historiques. Les personnes photographiées par Gabriele Galimberti considèrent les mousquets ou les pistolets d'ordonnance comme bien accessoires.

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Intergalactic Lovers - Live à l'Ancienne Belgique

C'est le plus beau truc que j'ai écouté ces 18 derniers mois, Evidence mis à part.

Une petite interview avec Lara Chedraoui qui explique (très) rapidement la place et l'atmosphère autour de ce concert... Le côté protocolaire est d'un autre monde, mais la performance est intemporelle !

"La Fille du bord du lac" par Vicious Steel

Gros coup de cœur pour ce titre du duo français Vicious Steel. Un blues poisseux aux accents de chanson française dépouillée. La version studio est disponible sur toutes les affreuses plateformes de streaming.

"Give Me Water" par John Forte & Valerie June

Je n'ai plus aucun souvenir de comment je suis tombé sur cette chanson - peut-être en faisant des recherches sur The Fugees ? - mais ce titre est un très beau blues moderne aux vieilles racines. La nonchalance de Valerie June y est pour beaucoup.

Les Évanescents de Damien Ribeiro

Je suis à un âge où il est assez fréquent de faire le point sur sa vie. Dans le registre de la psychologie de comptoir, cela s’appelle la crise de la quarantaine. C’est un processus évidemment renforcé par la situation “sanitaire” actuelle. Aujourd’hui, nombreux s’interrogent sur leur propre futur à l’aune du chemin qu’ils ont déjà parcouru. Et ceux qui ne le font pas trépignent d’impatience du retour à la vie “normale” (celle où les derniers droits qu’il reste ne seraient pas uniquement être salarié et faire des courses alimentaires), ou tentent de survivre un peu plus difficilement qu’ils ne devaient déjà le faire avant que le monde soit mis sous cloche. Et puis il reste une dernière catégorie : ceux qui sont dans un flottement, comme cellophanés par ce calme soudain. C’est un processus de chrysalide inversé, le papillon devient coquille, le vivant devient momie, l’intelligent devient neutre, le caractériel devient fade, le curieux devient autocentré. Entre deux pulsions idiotes de vie désespérées, c’est probablement là que je me situe. Et voilà qu’un roman me tombe dessus.

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Repose en paix DJ Duke

Comme de nombreuses personnes du milieu rap, j'ai appris soudainement la mort de Duke vendredi soir. Ça a été un vrai choc, qui me laisse stupéfait. J'ai beaucoup pensé à lui ce week-end. J'ai du mal à comprendre qu'une chose pareille soit arrivée.

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"Patience" par Chris Cornell

La famille de Chris Cornell a dévoilé une reprise réalisée par ce dernier, peu avant sa mort. Il s'agit d'une adaptation de "Patience", titre de Guns N' Roses, publié en 1989 sur la face acoustique de l'EP Lies. Et c'est très beau.

Source : Kerrang

Fuir

Les petits empires, faits pour s'enfuir sans sourire
Ont la grandeur de se foutre de l'avenir,
Et ne prétendent à rien, si ce n'est enlever la laisse du chien,
Et n'entendent point, sauf le cri du lendemain.

MC Skat Kat, like a rolling stone

J'ai déjà parlé ici (dans un article que je n'ai jamais terminé), de ma fascination pour MC Skat Kat. En pleine apogée de la rencontre entre humains et toons, magnifiée par le film culte Qui veut la peau de Roger Rabbit ? le rappeur chat se chauffant avec Paula Abdul, vivant à 300km/h, et ayant l'arrogance d'un loubard avait compté dans mes premiers liens avec le rap et le hip-hop.

En faisant des recherches sur un tout autre sujet musical, j'ai atterri de lien en lien sur un classement intitulé "10 Most Hated Classic Rock Albums". Publiée sur le site WhatCulture, cette liste m'a intrigué. J'ai donc commencé à la parcourir. À la quatrième place, j'y découvre un album des Rolling Stones que je n'ai jamais écouté : Dirty Work.

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L'antiracisme universaliste a abouti sur une impasse

La réalité des violences policières a été plus particulièrement mise en lumière ces dernières années. Ce sujet n'est plus seulement approprié par des activistes, des antiracistes, ou des minorités, bien qu'elles soient les plus largement touchées. Que ce soit grâce à la démocratisation du smartphone et celle des réseaux sociaux, qui facilite l'enregistrement et la diffusion de l'existence de ces violences, ou bien le mouvement des gilets jaunes, la part de la population française consciente que la police peut être un danger mortel a augmenté ces dernières années. Pour ma part, je le sais depuis que j'en ai été victime, et je le raconterai peut-être ici, si toutefois j'arrive, un jour, à m'emparer de mon expérience personnelle avec calme et méthode, chose que je n'arrive toujours pas à faire 18 ans plus tard.

De l'autre côté de l'Atlantique, c'est également un sujet, qui n'a rien de nouveau. Pour les gens de ma génération, le tabassage de Rodney King en est le parfait exemple. Depuis, ça n'a pas empêché les coups et la mort de continuer à pleuvoir aux USA, particulièrement envers la communauté noire. Ces derniers jours, George Floyd est décédé, tué à Minneapolis par un officier de police qui a le profil parfait de la perversité que créé le pouvoir : celui de la violence "légitime" (j'ai beaucoup de choses à dire sur cette expression, mais là n'est pas le sujet).

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20 disques (de ma collection) revisités à travers leurs visuels

Il y a quelques mois, en rangeant ma discothèque, j'ai pris le temps de m'arrêter sur de nombreux disques. À une époque où la musique est avant tout synonyme d'écoute nomade, j'ai pris plaisir à explorer de nouveau l'objet comme je le faisais gamin, et même encore dans les années 2000 : regarder attentivement et longuement des pochettes, juste pour le plaisir des yeux ou les théoriser. Explorer les crédits, feuilleter attentivement les livrets, m'étonner de certains choix visuels, m'amuser d'autres, c'est un plaisir simple mais finalement que j'avais un peu perdu de vue. En me prenant au jeu, j'ai commencer à sélectionner une bonne trentaine de pochettes que je trouvais soit simplement belles, soit iconiques, soit intéressantes pour ce qu'elles disaient de l'artiste et de son œuvre. J'avais commencé à écrire quelques lignes sur chacune d'entre elles, puis préoccupé par d'autres papiers plus "urgents", j'avais laissé ce projet de côté. Aujourd'hui, en cette période de temps suspendu, j'ai repris mes explorations. Ma sélection a légèrement changé. Elle n'est pas censée représenter l'intégralité des mes pochettes favorites, et le seul critère imposé a été que ce soit simplement des disques que je possède physiquement. J'ai réduit la sélection à vingt disques. J'ai parfois gardé des monuments, d'autres fois je les ai écartés malgré que je trouve leur couverture passionnante et propice à dire des tonnes de choses sur l'album lui-même (par exemple, Paul's Boutique des Beastie Boys ou Détournement de Son de Fabe). Cette sélection commentée est à découvrir en cliquant sur le lien ci-dessous.

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L'Obsession rap, le livre de L'Abcdr du Son

Le 23 octobre, la rédaction de l'Abcdr du Son, je dont fais partie depuis presque 13 ans, a sorti son premier livre : L'Obsession Rap.

Plus qu'une fierté, c'est le résultat d'une aventure collective qui a une très grande place dans mon cœur.

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Le Ciel

J'aime le ciel lorsqu'il est changeant parce qu'il te rappelle mes yeux,
Ceux dont tes paroles transformaient mon regard gris en bleu.

J'aime le ciel qui clignote et la pluie qui tombe sur les trottoirs calleux,
Un gyrophare dans mon iris passant les menottes aux mains baladeuses des orgueilleux.

J'aime ce plafond de lumière qui vire au noir et plante son pieux,
Au centre de ma pupille qui se dilate autour d'un bleu camaïeu.

J'aime le ciel lorsqu'il est changeant parce que j'y cherche tes yeux,
Que j'imagine bandés par les nuages qui effleurent mon cœur chatouilleux.

J'aime le ciel qui bouge et les nouvelles lunes aux fesses marquées de nos contentieux,
Ces nuits sans-culottes, leurs révélations furieuses et une petite révolution dans tes yeux.

J'aime le ciel qui se noie dans la mer du nord à midi moins deux,
Que je regarde depuis la grève avec la marque de tes dents sur mon torse anxieux.

Et j'aime même le ciel lorsqu'il a la peau d'un blanc crayeux,
Avec le même horizon que ce dos sur lequel tu me faisais écrire "croque-le monsieur".

Voilà pourquoi j'aime le ciel changeant vu depuis la terre apatride de nos aïeux,
Parce qu'il parle pour nous deux devenus des séditieux,
Parce qu'il dit l'évidence sans nous crever les yeux,
Parce que même dos-à-dos, il continue de nous faire voir en face nos regards malicieux.

Les falaises

Des créatures s'affichent sur mon écran,
Des aventures s'effondrent sur leur séant,
Des postillons s'envolent vers l'océan,
Les falaises ne s'écroulent jamais à temps.

À l'abri des contreforts

C'est l'heure où meurt le jour,
S'instaure une nuit sans velours,
Complotant à l'abri des contreforts de l'amour,
Contemplant les rancœurs qui se restaurent,
Sous des ors vulgaires et la bouche pleine de petits fours.

L'heure du bain

Mes mains sont tendues vers tes rides,
Les miens sont venus pour te le dire,
Bravant le tumulte des rêves éborgnés,
Fermant les yeux des luttes sur le pavé écorché,
Lové dans la félicité de l'alcool,
Percevant les actes manqués qui soupirent sous les alcôves,
Et mon souffle dans le creux de tes seins,
(Le creux de ces petits riens)
Ce téton pointu lacérant la peur du lendemain,
(La peur du destin)
L'érotisme est un beau matin,
(Un beau dessin)
L'amour est un drôle d'homme de main,
(Un drôle de dédain)
Que je me désole de retrouver mort dans son bain.

Félin

J'ai un chtar sur le tarin,
Il ressemble à un carafon de vin,
J'ai piqué un fard devant ton vagin,
Je suis reparti bondir sur la nuit tel un félin.

Tribune : La Séduction du désastre

Pascal Bruckner n'est franchement pas mon copain, mais comme lire ses ennemis force toujours à travailler ses arguments, j'aime bien les interrogations qu'apporte cette tribune qui relativise un peu la tendance post-apocalyptique, dont je suis pourtant friand en termes artistiques.

Dans une société laïque, le prophète n'a d'autre viatique que son indignation. Il arrive alors qu'enivré par sa propre parole, il s'arroge une légitimité indue et appelle de ses voeux la destruction qu'il prétend récuser. Tel est le renversement : l'Apocalypse devient pour ses partisans notre seule chance de salut. Comme ces réactionnaires qui, dans les années 1960-1970, souhaitaient aux jeunesses européennes une bonne guerre pour les calmer, nos atrabilaires espèrent que nous allons toucher le fond pour nous éveiller enfin. Vous méritez une bonne leçon, vous n'avez pas assez souffert, vous devez en baver ! C'est un véritable voeu de mort qu'ils adressent alors aux populations. Ce ne sont pas de grandes âmes qui nous mettent en garde, mais de tout petits esprits qui nous souhaitent beaucoup de malheurs si nous avons l'outrecuidance de ne pas les écouter. La catastrophe n'est pas leur hantise, mais leur jouissance la plus profonde.

edit : J'ai depuis eu l'occasion de lire les déclarations de Pascal Bruckner à propos de Rokhaya Diallo ou encore Yassine Belattar. Eh bien... Je crois que je me garderai bien à l'avenir de citer la plupart des intellectuels français ayant accès aux médias...

Reportage : France Info, le crack et le nord de Paris

Reportage un peu sensationnaliste et parfois hilarant, alors qu'il traite d'un problème qui n'est pas drôle du tout (et que je connais pas trop mal) : le crack au nord de la capitale.

Une des raisons pour lesquelles c'est drôle, c'est qu'on y apprend que la gentrification a pour motivation de s'endetter vingt-cinq ans pour se persuader de vivre dans le quartier d'Amélie Poulain tout ça pour finir traumatisé par des toxicomanes qui divaguent (au sens propre et figuré) la nuit pendant que les gentils gentrificateurs sont au chaud dans leur lit :

"Dans le 10e arrondissement voisin, la proximité du canal Saint-Martin et le prix du mètre carré ont fait de ce quartier un endroit prisé des CSP+ souhaitant devenir propriétaires. Certains, qui rêvaient d'un quotidien à la Amélie Poulain, tombent de haut. "C'est un quartier mixte, très agréable pour certaines choses, mais je peux vous dire qu'on est loin de l'image idyllique des films quand on est réveillé à 4 heures du mat' par des junkies qui hurlent sous votre fenêtre", raconte Anouck, qui regrette aujourd'hui de s'être "endettée sur vingt-cinq ans" pour acheter son appartement."

Après, certains osent encore se demander pourquoi cette ville se marche de plus en plus sur la tête.

Archive : Remember when CIA shutdowned Rage Against the Machine's message board ?

Petite archive fournie par Kerrang qui rappelle qu'après le 11/09/2001, il n'y avait pas que l'Afghanistan et l'Irak qui étaient envahis. Une vague de censure avait en effet eu lieu aux USA, notamment via la fameuse (et folklorique) liste de chanson "qu'il serait préférable de ne pas diffuser" sur les radios du groupe Clear Channel. Dans ce memo, Rage Against the Machine n'avait qu'une ligne qui lui était consacré. Elle disait : "All songs." Au même moment, dépassé par son forum, l'hébergeur internet du groupe obtempère à la demande de la CIA.

Le plus "cocasse" dans l'histoire, c'est que les services secrets américains utiliseront de nombreuses chansons de Rage Against the Machine et du mémo de Clear Channel pour faire craquer les détenus prisonniers dans le cadre des campagnes militaires post 9.11.

Article : l'histoire de Like a Virgin

Petit article bien documenté sur la chanson qui a lancé la carrière de Madonna. "Like a Virgin" est écrite par deux hommes qui proposent leur texte et composition aux maisons de disques. Madonna s'approprie la chanson, la transforme et la défendra bec et ongle, sous les arrangements musicaux de Nile Rodgers du groupe Chic.

Le radeau

Et nous faisons l'amour, arrimés l'un à l'autre comme deux naufragés trouvant leur salut dans deux bouts de bois flottants dans la houle. C'était la dérive de nos nuits qu'écrivaient nos ongles s'enfonçant dans nos chairs respectives. C'était la fatigue de vies dissolues qui transpiraient le long de nos peaux, écorces humides. Et nos souffles, aspirant chaque bulle d'air présente dans la bouche de l'autre, avalaient ces mots qui jamais ne sortaient. Au même moment, les lignes de vie de nos mains, filins prêts à craquer de deux existences, se remplissaient de nervures où s'écrivaient cette peur de couler seul.

Incandescence

Les jours s'éteignent
Les mains se peignent
De visages absents
S'y sculptent des regards incandescents

Écrit en me regardant dans un mirroir Guiness, à la tombée de la nuit.

Auditeur de rap

                               1990 - 1993

Playlist :

  1. Benny B - Do You Speak Martien
  2. Michael Jackson - Jam
  3. Vanilla Ice - Ice Ice Baby
  4. MC Skat Kat - Skat Strut
  5. NTM - C'est clair

Il s'agit de disques qui sont quasiment tous sortis en 1990, mais que je découvre en 1991, voire 1992. En 1991, j'ai dix ans et c'est l'âge où ma mère qui se retrouve seule avec ses enfants me laisse sortir tout seul avec les copains dans la rue et où je m'apprête à rentrer au collège l'année suivante. J'habite le centre-ville d'une commune bourgeoise de banlieue parisienne, au sein d'un grand ensemble très bien tenu qui appartient à l'UAP, une importante compagnie d'assurances de l'époque.

Nous traînons dans la rue pour faire du skate, la plupart du temps assis sur nos planches à roulettes. Nous sommes une bande de cinq ou six personnes et nous nous connaissons depuis la maternelle, au pire le CP. Pour la plupart, nous sommes les aînés de petites fratries, quand nous ne sommes pas fils uniques. Néanmoins, il y a tout de même un ou deux grands frères qui traînent dans l'histoire, parfois aussi un cousin, sans parler du réseau que tout individu curieux, traînant dehors et en soif de socialisation met en place dès le collège.

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Arm - Dernier Empereur

Au mois de mai, alors qu'il finalisait son dernier album, Arm m'a sollicité. Il m'a demandé d'écrire quelques mots sur ce futur disque, intitulé Dernier Empereur. J'ai été très honoré qu'un rappeur que j'écoute depuis ses débuts (quasiment quinze ans !) pense à moi, lui qui a d'une certaine manière influencé ma vie, inoculé certaines belles choses dans mon écriture et qui a parfois fait dire à mes yeux ce qu'ils n'arrivaient pas à dire. J'ai donc réalisé ce communiqué de presse, qu'Arm voulait plus comme une chronique que comme une biographie. À cette petit tâche qui m'était dévolue, j'ai posé deux conditions, que je vais énumérer ici non pas pour la gloire mais pour que les choses soient claires. D'abord, je n'écrirai rien d'autre, que ce soit pour L'Abcdr du Son ou tout autre média, concernant ce disque. Et enfin que je ne souhaitais pas être payé ni rémunéré. Yotanka et Arm m'ont tout de même envoyé un très beau pli postal, dans lequel j'ai pu retrouver CDs et vinyles de ce MC dont j'apprécie tant la musique. En voici la preuve ici avec les quelques mots que j'ai donc livrés afin qu'ils accompagnent au mieux ce Dernier Empereur auquel je souhaite modestement la plus belle aventure possible.

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Juge

Je me juge dans le regard d'une femme
Ou dans la nuit noire à l'aube d'un briquet et de sa flamme.

Couleur mer du nord

J'ai les yeux couleur mer du nord avec un poing levé dans la pupille
Je fais des vœux qui bordent le dehors, l'index levé devant les fusils.

Les pions

Rassemble tous tes pions si tu le souhaites mais surtout ne dors pas avec,
Ou sinon la nuit te clouera le bec.

Floraison

En ville fleurissent flingues et roses
Et dans son soleil noir s'abîment nos plus belles causes.