20 disques (de ma collection) revisités à travers leurs visuels
Il y a quelques mois, en rangeant ma discothèque, j'ai pris le temps de m'arrêter sur de nombreux disques. À une époque où la musique est avant tout synonyme d'écoute nomade, j'ai pris plaisir à explorer de nouveau l'objet comme je le faisais gamin, et même encore dans les années 2000 : regarder attentivement et longuement des pochettes, juste pour le plaisir des yeux ou les théoriser. Explorer les crédits, feuilleter attentivement les livrets, m'étonner de certains choix visuels, m'amuser d'autres, c'est un plaisir simple mais finalement que j'avais un peu perdu de vue. En me prenant au jeu, j'ai commencer à sélectionner une bonne trentaine de pochettes que je trouvais soit simplement belles, soit iconiques, soit intéressantes pour ce qu'elles disaient de l'artiste et de son œuvre. J'avais commencé à écrire quelques lignes sur chacune d'entre elles, puis préoccupé par d'autres papiers plus "urgents", j'avais laissé ce projet de côté. Aujourd'hui, en cette période de temps suspendu, j'ai repris mes explorations. Ma sélection a légèrement changé. Elle n'est pas censée représenter l'intégralité des mes pochettes favorites, et le seul critère imposé a été que ce soit simplement des disques que je possède physiquement. J'ai réduit la sélection à vingt disques. J'ai parfois gardé des monuments, d'autres fois je les ai écartés malgré que je trouve leur couverture passionnante et propice à dire des tonnes de choses sur l'album lui-même (par exemple, Paul's Boutique des Beastie Boys ou Détournement de Son de Fabe).
Cette sélection commentée est à découvrir en cliquant sur le lien ci-dessous.
Sachez que j'ai pris le parti de me baser au maximum sur mes souvenirs et mes expériences d'écoutes, et donc de m'astreindre à minimiser le travail de recherche sur les éventuelles sources ou commentaires contextuels à propos de chacun des disques abordés et leurs visuels. Faire travailler ma mémoire faisait partie de l'aspect ludique de cet article.
Enfin, par tranquillité et pour éviter l'écueil du "top", j'ai pris le parti de réaliser le classement par ordre alphabétique.
A Tribe Called Quest - The Anthology (1999)
Je ne possède pas le disque, sinon ça aurait été évidemment The Low End Theory plutôt qu'une anthologie sortie opportunément au moment où le groupe se sépare. Avec l'iconique corps féminin bariolé de vert et rouge, A Tribe Called Quest fige graphiquement son identité. Ces couleurs, ce sont celles du panafricanisme et des drapeaux de plusieurs pays d'Afrique de l'Est. À travers le corps féminin qui les porte, Q-Tip, Phife Dawg feront de ces couleurs leur égérie pour leurs deux disques suivants, Midnight Marauders et Beats, Rhyme & Life. La réussite picturale de Low End Theory ne sera pourtant jamais égalée, mais peu importe : A Tribe Called Quest tient ici un des ciments de son identité, autant que "le boom et le bip". Et à vrai dire, c'est cette "banale" (c'est ATCQ quand même !) anthologie, qui s'approchera le plus du miracle graphique, minimaliste, esthète, et élégant, qu'était la pochette de The Low End Theory. Si le réalisme de la photo de 1999 ne réédite pas l'insaisissable mystère de celle toute en noir prise 8 ans plus tôt, c'est tout de même le visage d'Erykah Badu qui s'affiche avec ces couleurs. Moins mystérieux, mais toujours aussi fascinant, sophistiqué et tribal.
C.Sen - Correspondances (2011)
En plus d'être un très bon disque, le premier album solo du C.Sen est probablement dans le top cinq des plus beaux objets physiques produits par le rap français. L'album est en effet sorti sous forme d'un livre. Le CD est glissé au dos du quatrième de couverture, dans cet ouvrage de 40 pages qui reprend l'intégralité des paroles du disque. Deux feuilles sont dédiées à chaque piste. Celles de gauche reprennent son titre et son texte, celles droite sont illustrées en noir et blanc et avec brio par Jean Turner. Le dessinateur a su parfaitement sublimer l'environnement à la fois hyper-réaliste et extrêmement poétique du C.Sen. C'est très symbolique mais sans gros sabots, et que ce soit la noirceur ou les petites tranches de vie dépeints par Pierre Cesseine, l'ensemble s'y exprime. L'impression de balade solitaire dans une ville où nombre de questions se posent sur le devenir du monde est prégnante. Au-delà de ces dessins, le métro ou encore la butte de Rio de Janeiro sont également représentés, et le tout dresse un incroyable panel de tout ce qui habite les textes du rappeur de 75018 Beat Street. L'image présentée ci-dessus est l'illustration de la version CD, toute aussi magnifique dans l'intention. Une expression de la cartographie mentale du C.Sen, également taggueur, habitué à disséquer les villes et les habiter de ses lettrages. N'avait-il pas dit à l'Abcdr en 2011 : "Ils veulent faire de nous des chiffres, j'ai décidé de devenir des lettres" ? Le format livre était le meilleur moyen de rendre jusqu'au-bout hommage à cette intention.
Casey - Tragédie d'une trajectoire (2006)
Pour son premier album, Casey arrive le visage balafré et suturé. Le titre de l'opus suffit à expliquer ce choix. Tcho, graphiste et acolyte de Casey, l'avait d'ailleurs très bien dit lui-même à plusieurs médias, dont les confrères de Le Bon Son : "Tragédie d’une trajectoire, j’y comprenais embuches, accidents." Si le message est clair, l'intention facilement décryptable, cette pochette mérite d'être regardée aussi pour sa construction graphique, et pas seulement pour ses effets spéciaux. D'abord, elle a été faite en réaction. Son cadrage, et même la pose de la rappeuse, reprennent les codes des photographies de mode ou de publicité. Gros plan très épuré, ligne de fuite coincée dans un coin de l'image, posture d'apparence appuyée et songeuse, tout est là. Dans l'entretien donné au Bon Son, Tcho expliquait qu'à l'époque, il était assez agacé de voir des visuels pour rappeurs très esthétisés, un peu comme des portraits parfaits qui n'auraient pas dépareillé dans un magazine de mode. Il a donc voulu en reprendre les codes, tout en les salissant. La perfection des visages est ici remplacée par les stigmates sur la peau de Casey. Ensuite, ce qui est passionnant dans cette image, c'est sa composition. La lumière forte mais aux zones d'ombres parfaitement choisies, forme une très légère diagonale entre une main éclairée et le renfoncement des yeux de Casey, soulignés d'une relative obscurité. Avec sa ligne de fuite en haut à gauche, son éclairage bien spotté sur chaque valeur de plan, cet axe de vision, entre le tiers droit centre de l'image et son tiers gauche centre (j'espère que vous connaissez la règle des trois tiers), est encore plus fort grâce au regard de Casey. Ce regard plein de tension, celui qui précède une impulsion, une prise de décision, souvent violente, c'est lui qui fait toute la pochette. Les yeux en coin, observateurs, en train d'analyser quelque chose, c'est cet instant qui précède une réplique physique ou une répartie brutale que Tcho a figé sur l'image. Comme une bête blessée prête à bondir. De la colère froide à la réaction à Tcho (hohohoho !). Libérez la bête.
Donkishot - Restauration Rapide (2001)
Il faut resituer qui était Donkishot à la fin des années 1990 et au tout début des années 2000. Il était l'un des tous premiers internet MCs et ses morceaux sans concessions fascinaient ceux qui avaient accès à la toile. À l'époque établi dans les grands immeubles du XIXème arrondissement (secteur avenue de Flandres), il produit depuis le milieu des années 1990 des titres plus cash les uns que les autres, mélangeant un flow à la ODB, une élocution parfaite, et une capacité (inédite dans le rap français) à se glisser dans la peau de personnages populaires et/ou cinglés. Le rappeur sympathise avec Grain d'Caf et se rapproche de la structure d'Octobre Rouge : Colekt'Or. D'abord autoproduit, Donkishot a un site web hyper léché, sort un fou bootleg CD intitulé Donkinaute VIP, et apparaît sur Générations en freestyle aux côtés d'O.R pour leur maxi "1918". Il impressionne. Quelques mois plus tard, le label de Grain d'Caf publie son premier et seul vinyle : Restauration Rapide. Basée sur l'expérience de Donkishot en tant qu'employé du KFC des Halles, le disque détourne le logo 90s du géant de la restauration rapide à base de poulet frit. Malheureusement, il y aura rapidement de la friture sur la ligne. Si "Vengeance", du Donki pulsionnel dans toute sa splendeur, et le titre Zneuff-Zneuff, portrait cru du 19ème arrondissement en featuring avec Grain', complètent admirablement le tout, Donki se brouillera avec toute l'équipe de Colekt'Or et même avec l'ensemble des rappeurs qui commençaient à se rassembler via, notamment, l'émission Grekfrite. Il les clashera à tour de rôle, entre morceaux fleuves discutables et quelques balles de sniper hilarantes ("I got to clash it" consacré à Cuizinier.) Ses nouveaux adversaires ne lui répondront que deux fois. Une première fois avec L'Armée des 12 et le titre "Strictement inutile" sur lequel sont invités Grain d'Caf et Logan. La seconde, ce sera Octobre Rouge seulement, avec un morceau bien plus grave et triste, "Mes potes", où une grande partie du couplet de Thomas Traoré est adressé à DKS de façon aussi amère que touchante. Depuis, Donkishot est isolé, ignoré, sauf par ses Donkinautes les plus fidèles. Avec Sortez-vos mouchoirs, Restauration rapide est la seule sortie de Donki' qui ne soit pas un CD-R ou dématérialisée. Fidèle à ce qu'il avait déjà commencé à faire avec son site web et ses premiers bootlegs, Donki dessine lui-même les visuels de ces disques, ou les agrémente de créations originales à l'image du string de sa copine reproduit sur un papier calque pour l'album Dulcinée. L'excellent et passé sous-silence Giclée Divine, produit par les Freshmakers de Gonesses, n'ayant jamais vu le jour autrement que par un leak volontaire sur internet, il est probable que Tonton Donki ne ressorte jamais de disques en format physique d'ici-là. Restauration rapide, avec ses pictogrammes apparaissant sur chaque face du vinyle, rendent ce détournement de marque exemplaire encore plus précieux.
Gary Moore - Still Got the Blues (1990)
C'est un avis évidemment personnel, mais Gary Moore est à classer dans les dix plus grands guitaristes de tous les temps, malgré le procès qu'il a perdu pour plagiat au sujet du titre éponyme à cet album. Il est selon moi l'emblème de ces guitaristes qui ont été à la confluence du blues et du hard-rock. Still got the Blues, malgré son côté grand public et son éventail de reprises, est l'un des plus beaux monuments de l'œuvre du guitariste irlandais. Et ce qui est génial dans sa pochette, c'est ce qu'elle dit de tous les jeunes musiciens de la terre, qu'ils soient appelés à devenir des virtuoses ou à rester d'enthousiastes joueurs de musique de garage. Assis dans sa chambre de jeune adolescent, l'air appliqué sur son instrument, le gamin a tout du sérieux et appliqué passionné qui bosse pour atteindre ses rêves et qui considère son instrument comme son éternel compagnon. Il est penché sur sa guitare, son devenir sous le regard
de ses idoles. Et évidemment, qui d'autre que Jimi Hendrix pouvait surplomber l'incarnation de Gary Moore enfant ? L'une des plus belles symboliques possibles sur une pochette d'album, et une façon très touchante de réhumaniser les guitar-hero.
Guns N' Roses - G N' R Lies (1988)
Lies est un album hybride de Guns N' Roses. Composé de deux EPs, l'un accoustique dévoilé pour l'occasion, l'autre une réédition de leur Live ?!*@ Like a Suicide, introuvable à l'époque. Lies est fait pour faire patienter les fans suite à l'énorme succès d'Appetite for Destruction et alors qu'Axl Rose mûrit le projet d'album pharaonique que seront les deux volumes d'Use Your Illusion. Le premier album des Guns a en effet révolutionné le genre, remis Los Angeles au centre de la carte du rock américain, et a surtout botté le cul du glam-rock, dont Guns N' Roses était pourtant originellement l'un des espoirs. Axl, Slash, Duff, Izzy et Steven ont tué le père en quelque sorte, et ils ne l'ont pas fait qu'à moitié, puisqu'Appetite est aujourd'hui encore le premier album le plus vendu de l'histoire de la musique. Groupe à la réputation sulfureuse (et justifiée), les Guns découvrent aussi avec le succès le rapport à la presse. C'est ce que met en scène la pochette de Lies, reproduisant une Une de tabloïd avec les titres des chansons et des chapô de presse détournés tels que "she took my sperm without my permission." Caricature de ce rapport à la célébrité, avec comme baseline "the sex, the drugs, the violence, the shocking truth", G N' R met en scène sa réputation sulfureuse, mais aussi son rapport nouveau à la célébrité. L'ironie est que la chanson "One in a million" présente sur la face acoustique du disque vaudra à Axl Rose un sacré paquet d'emmerdes, puisqu'il sera accusé de racisme et d'homophobie en dépeignant l'arrivée d'un bouseux du midwest (ce qu'il était à l'origine) dans la grande cité des anges. Comme un pressentiment, ces mots évoquaient le titre sur la pochette de Lies : "my apologies to those who may take offense." Après ce disque, plus rien ne sera pareil dans la relation presse / Guns, particulièrement pour Axl, qui répondra à deux reprises aux médias sur chaque volume des Use Your Illusion. D'abord aux intentions qui lui étaient prêtées dans "One in a million" à travers le fiévreux et génial "Don't Damn me". Ensuite en réglant ses comptes avec l'ensemble de la presse rock sur "Get in the ring". Un titre auquel j'espère consacrer un article complet un jour et qui est, à ma connaissance, la seule chanson, tous genres musicaux confondus, à insulter et défier nommément toutes les stars du journalisme du milieu.
Hugo TSR - Tant qu'on est là (2017)
Hugo avait déjà mis en scène un enfant sur la pochette de Fenêtre sur rue. Le jeune bambin jouait à la marelle sur les contours d'un cadavre tracés à la craie. Autant dire que la symbolique était déjà très forte. En 2017, pour son quatrième album solo, elle l'est encore plus. Dans le visuel de Tant qu'on est là, il y a évidemment l'idée de transmission, un gamin posé sur les épaules de son père taguant la phrase titre de l'album. Mais il y a surtout cette logique de pérpetuation, aussi bien dans ce qu'elle a de plus beau que de plus triste. Le plus beau, c'est évidemment l'idée de transmission, d'éducation, ainsi que de faire vivre et continuer son art. Le titre de l'album peut d'ailleurs être lu dans ce sens : tant qu'on est là, il continuera à avoir du gros rap de rue à base de boucles classicistes. Une logique de filiation, d'adoption presque : "Après cet album, t’es mon petit, je te prends la fièvre en touchant le front" dit le rappeur sans visage sur Tant qu'on est là. Mais ce "tant qu'on est là" est aussi une proclamation d'un déterminisme social, d'une condition qui se perpétue et dont il est très difficile de se sortir. Le choix du pronom "on" est d'ailleurs tout sauf anodin. Il est à la fois impersonnel et impliquant. Il transmet l'idée de masse, de groupe, d'appartenance, tout en ne mettant pas de nom clair dessus. Brouiller son identité, avancer à visage couvert, représenter les invisibles, ce sont d'ailleurs quelques unes des règles que s'est fixé Hugo. Qui perpétue depuis plus de quinze ans maintenant un rap sans concessions, avec une discipline rare et des schémas rythmiques répétés comme des katas. Finalement, c'est peut-être lui le plus discipliné des rappeurs.
JP Manova - 19h07 (2015)
JP n'est pas du genre à faire les choses sans leur donner du sens. Identifié comme un sous-marin de génie du rap français depuis Les Liaisons Dangereuses, particulièrement attendu depuis son couplet de "1 pour la plume" version équipe de Flynt (2007), Manova sort enfin son album solo. Nous sommes en 2015, et comme une métaphore, il se met en scène en train de courir après un train qui s'apprête à partir. JP Manova est double sur l'image, car celui qui lui tend la main pour rattraper le petit gris, c'est également lui. La symbolique est forte, l'idée de raccrocher les wagons de justesse étant de mise, mais le message est surtout qu'il est toujours temps, quoi qu'on en dise, de s'autoriser à aller au bout des choses. En se tendant la main, il se donne lui-même la chance de participer au voyage, dont il faisait déjà partie d'une certaine manière, puisqu'il évoluait déjà dans le rap. Mais dans l'ombre, dans la rareté, celle de ghostwritter, d'arrangeur, et d'ingénieur du son pour des prises de son. Ce disque, s'est un peu celui qui s'autorise enfin à monter à bord, qui se réconcilie avec l'attente qu'il s'est lui-même imposé.
Kyma - Le Mauvais Kromozom (2007)
D'un point de vue esthétique, ça peut paraître complètement absurde. Cette pochette au cachet de vieux polaroïd clandestin ne représente qu'un lit vide sans sommier. Avec sa lumière orangée et tamisée, elle a l'allure d'une photo prise avec un jetable sans flash. Et pourtant, au-delà de son esthétique argentique appréciable, elle condense énormément de choses que transmet Le Kyma. Une vie minimaliste, matelas jeté au sol, éclairage rudimentaire et intimistes, avec quelques livres et disques rangés entre quatre planches de bois sans fond. Il y a ici l'atmosphère clandestine chère au Kyma. Peut-être même celle de la cavale, ou de ces heures de cogite et de solitude nocturne, ces semi nuits blanches passées à décortiquer les doutes, à échafauder des plans et à redouter ce monde où ceux qui se lèvent tôt se sont proclamés rois. Croyez-le ou non, j’ai mis des années à réaliser qu’il y avait un flingue posé sur le lit alors qu'un flyer de l'album est positionné dans ma propre chambre depuis plus de dix ans. Abandonné là, sans présence humaine si ce n’est celle de celui qui photographie, l’image a très bien pu être figé par celui à qui appartient l’arme à feu autant que par un intrus, un flic en perquisition, ou tout ce que l’imagination peut laisser supposer. Où est l’homme à qui appartient cet arme ? Peu importe, la présence de l’objet en dit parfois bien plus que celle de l’individu lui-même. Cette image d'apparence anodine, dépersonnalisée, est en fait véritable portrait des intentions du groupe. Et c'est pour tous ceux qui ont le mauvais kromozom.
Lucien & Neirda - 82 - 83 (2010)
Quasiment personne ne connaît Lucien & Neirda, mais moi je les connais très bien. Ce sont des amis, ceux avec lesquels je me suis mis à rapper (laborieusement). À la fin des années 2000, ils décident de sortir un album, et je fais partie de ceux avec lesquels ils en discutent. Si je n'interviens absolument pas sur la conception musicale, j'ai la chance de suivre l'avancement de ce projet instrumental, entre abstract hip-hop nerveux et séquences plus planantes. Le disque est notamment peuplé de samples de voix issus de films, reportages et bulletins d'informations. En en parlant ensemble, l'idée de jouer visuellement la carte géopolitique qui transpirait déjà de leurs morceaux s'affirme. Je ne sais plus lequel d'entre-nous dégote un fichier d'une carte de l'Afghanistan mais elle est à l'image de leur musique : avec du relief, avare en mots mais riche en présence et en caractère, entre grandes étendues et nervures de l'histoire. Notre ami Echt de Photoctet s'en empare. Il la fragmente, la colorie, et créé cet espace, à l'allure de miroir brisé reconstitué, laissant apparaître des territoires immenses, aux noms inconnus et pourtant régulièrement visibles sur les écrans télévisés, puisqu'en guerre depuis aujourd'hui près de quarante ans... Cette idée de fragments (comprendre de samples), elle se projettait parfaitement sur une carte d'un territoire à défendre, où les conflits ont commencé depuis le début des années 80.
Mark B & Blade - The Unknown (2000)
Peu de gens ont réalisé à quel point la disparition brutale de Mark B lors du réveillon 2015, a été un choc pour le rap anglais. Le producteur, discret, humble et passionné, est notamment celui qui a permis à l'un des meilleurs rappeurs anglais de l'ancienne école de briller. Il s'agit de Blade. Hip-hop jusqu'au bout des ongles, leur duo a produit un disque extrêmement important dans le rap de la perfide Albion. Blade était jusque-là un loup solitaire, plein de convictions et très méfiant de la meute. Le site rapreviews.com, décrit admirablement la relation qui s'établit entre le rappeur et Mark B, le premier semblant avoir trouvé dans le second l'homme idoine pour sortir de l'ombre. "70's basslines-driven beats this results in a number of convincing manifestos from the perspective of the underdog who knows he has the potential to join the top dogs" disait à ce propos le
journaliste Matt Jost. Dans The Unknown, tout est aussi puissant que ciselé, et l'art de la performance y est central. C'est formidablement mis en musique et arrangé, mais sans jamais donner une seule fois l'impression de fioritures, y compris dans les nombreuses séquences de scratches des barrons anglais du genre : Mr Thing, Plus One et Primecuts. Quant à la pochette de The Unknown, elle représente métaphoriquement ce qui a fait la force de ce disque. Un face à face profondément humain, presque dans le huis-clos d'une passion commune où un duo se construit et s'apprivoise autour d'un objectif commun. Mais la photo qui llustre le disque, c'est aussi le rap un peu comme un jeu, avec cette prise de vue réalisée en hauteur par un observateur ominiscient, et ces lettres disposées comme un jeu de carte ou de dominos. Mais surtout cet angle de prise de vue, et ces deux hommes placés face à face devant une table, évoquent deux personnes en train d'échaffauder méticuleusement un plan. Assembler les éléments pour frapper un grand coup, avec deux hommes plus habitués à l'ombre qu'à la lumière qui se retrouvent au sein d'une pièce dépouillée de tout accessoires, c'est finalement ça la meilleure synthèse de The Unknown. "From the worldlab !"
Nirvana - Nevermind (1991)
Tout a déjà été dit sur la création du visuel de Nevermind. Tout, absolument tout, des interviews du jeune bébé devenu adulte au billet rajouté a posteriori sur l'image, en passant par l'histoire de la seconde piscine dans laquelle Kurt Cobain, Dave Grohl et Krist Novoselic feront une seconde séance photo promotionnelle. Il n'empêche, même si rien n'était réellement pensé comme un message, la suite de l'histoire a dépassé largement la piscine pour devenir un raz-de-marrée. Cette pochette est devenue iconique pour toute une génération. Nous sommes des dizaines de millions de gamins à avoir grandi avec et à y avoir perçu une signification. Sur le sens de l'argent, sur l'enfance, sur ce qu'est de naître dans ce monde, et surtout sur ce que voulait supposément dire Nirvana. Si Nevermind a été commenté en long, en large, et parfois à tort et à travers, je pense qu'il n'a pas été assez dit à quel point cette image s'est imprégné dans le cerveau de toute une jeunesse comme un véritable message. J'en profite également pour recommander le livre In Utero de Palem Candillier, sorti dans la collection Discogonie de l'éditeur Densité. L'ouvrage permet de mieux comprendre l'état d'esprit du groupe post-Nevermind, et notamment tous les choix faits par Steve Albini, et Kurt Cobain en studio lors d'In Utero pour renier le son trop propre et FM du Nevermind enregistré et mixé par Butch Vig.
Non Phixion - The Future is Now (Platinum Edition (2004))
D'apparence fouillis, c'est le genre de pochette passionnante à décortiquer. Bien plus que la photographie, le dessin permet de réaliser des mises en scène inattendues et de glisser des détails extrêmement révélateurs des obsessions d'un artiste. Ici, l'œil découvre d'abord une scène d'ensemble : celle d'une émeute, plus ou moins chaotique (pléonasme). Puis à bien y regarder, les thèmes et lubies d'Ill Bill, Goretex, Sabac Red et DJ Eclipse sont à découvrir à travers moult figures représentées. Le temple illuminati qui s'effondre à droite, avec en avant-plan des politiciens qui ne sont pas sans rappeler les néo-faucons du gouvernement Bush (s'agit-il de Donal Rumsfeld et Dick Cheney ? Je ne saurai l'affirmer avec certitude mais j'aime le penser), au fond à gauche la soucoupe volante, bref, le tout est entouré d'influences extérieures typiquement dans les fantasmes (parfois très justifiés) propre à la scène Goon, particulièrement dans une Amérique bushiste post 11 Septembre. La pression policière, le graffiti "New World Disorder" paraphrasant le "nouvel ordre mondial" cher aux U.S.A de l'époque, tout ici symbolise le côté politique et ésotérique de Non Phixion. Faut-il rappeler que l'album est fortement engagé, et d'une paranoïa rare ? Entre l'esthétique The Warriors des populations et le capitole qui sombre, la pochette de The Future is Now est un condensé des obsessions du groupe, qui aime refaire l'histoire. La preuve avec cette phase, l'une des plus géniales du rap américain : "Jesus Christ was a gangsta rapper, they killed him, he came back and made a platinium album."
Pearl Jam - No Code (1996)
J'ai mis beaucoup de temps à apprécier cet album de Pearl Jam, mais à l'époque, sa pochette me fascinait déjà. Le disque est cartonné, et lorsqu'il se déplie et est posé en aplat face avant, la mosaïque de couverture s'étend sur 4 volets. Il y a dans cet enchaînement de miniatures un mélange qui relève aussi bien du fascinant que des influences grunge. No Code est musicalement un album assez torturé, moins dans la puissance rock-grunge propre au groupe mené par Eddie Vedder lors VS. ou Vitalogy. En alternant sur sa pochette gros plans sur des parties du corps - avec une fascination particulière pour les yeux - il y a cette fascination pour l'imperfection biologique qu'explorait également Nirvana (il suffit de se pencher sur la série de visuels d'In Utero ou de lire les obsessions de Kurt Cobain sur la biologie humaine pour s'en convaincre). De nombreux symboles ou formes géométriques héritées d'objet du quotidien complètent le tout, ainsi que quelques rares plans plus large. Dans un montage façon jeu Memory, Pearl Jam fait planer une forte présence humaine tout en la reléguant à 90% à des détails. Un véritable message codé, dont les fans ont souvent discuté, et complétés par plusieurs versions de polaroïd glissées en plus dans l'album. Wikipedia explique que les mosaïques assemblées et vues avec du recul forment... l'œil illuminati. Le concept est d'ailleurs revendiqué dans la pochette du disque par Pearl Jam, qui l'attribue à Jerome Turner, c'est à dire à Eddie Vedder qui utilise ce pseudonyme pour toutes ces contributions "non musicales". Avec No Code, Pearl Jam a constitué l'un des mythes visuels les plus complexes du rock, que les fans ont transformé en chasse au trésor. Pas mal pour un disque au codex musical sans fil directeur, sorte d'assemblage d'intentions désunies entre elles mais qui mises bout à bout, laissent flotter une atmosphère incertaine, souvent mystérieuse et toujours faussement fragile.
Pink Floyd - Ummagumma (1969)
Ummagumma est un mystère dans la discographie kaléidoscopique des Floyd. Le premier disque est un live tout ce qu'il y a plus Pinkfloydesque : morceaux à rallonge, envolées spectrales, bref, le mythe du buvard pris en plein air y carbure à fond. Mais ce n'est rien en comparaison du second disque, où chaque membre du groupe se voit contraint de réaliser en solo des titres à rallonge. Le résultat est... conceptuel, et les avis divergent sur la performance de chacun des Floyd. La critique était - parait-il - enthousiaste à l'époque. De son côté, le groupe était plutôt catastrophé. À titre personnel, j'ai vécu un de mes moments les plus hallucinatoires sur le "Several Species of Small Furry Animals Gathered Together in a Cave and Grooving with a Pict" de Roger Waters. Pas vraiment avare en concepts et en mise en scène, Roger Waters, David Gilmour et consorts créent une pochette basée sur la mise en abime. Sauf qu'à chaque cliché, les musiciens intervertissent les positions et déplacement dans le décor. Le résultat est digne de l'esprit musical de Pink Floyd : jouer des illusions, répétés des schémas improbables en les décalant toujours un peu plus, jusqu'à l'infini. Finalement, ce sont eux qui auraient dû appeler l'un de leurs albums Use Your Illusion.
Sugar Ray - Lemonade and Brownies (1995)
Avant d'être un groupe de hits pour gros beaufs californiens avec "Fly", Sugar Ray était un gros groupe de beaufs californiens tout court. Le titre de leur premier album, Lemonade and Brownies, n'est autre qu'une évocation gamine et métaphorique de la merde et de la pisse. Ce premier effort était pourtant loin de ressembler à un fond de W.C mal récuré. C'était au contraire un brûlot de fusion inégalé à ce jour, par son côté disco-funk potache, allié à des bangers mi-punk-mi-métal d'une densité remarquable ("Mean machine" par exemple, ou "Rhyme Sayer" et sa méchante touche hip-hop). Le disque était réalisé par DJ Lethal (oui, celui d'House of Pain), qui ne se prive pas de placer quelques scratches bien sentis et de sublimer un groove de déconneurs client de guitares saturées. Certes, ce n'est pas du niveau d'un Tom Morello, mais il y a de très belles idées dans ce disque. Gras, sales gosses et blagueurs, bref, avide de gamineries, Mark McGrath et sa bande naviguent de façon brutale, dispersée, mais diablement enjouée dans une fusion qui avait rarement touchée d'aussi près à la fois l'esprit punk, le phrasé rap et les sons chauds d'un disco-funk sensuel et graveleux. C'en est presque parfois torride, à l'image de sa pochette sur laquelle n'apparaît personne d'autre que la seconde grande star de la série Alerte à Malibu. Eh oui, c'est bien Nicole Eggert que l'adolescent fiévreux découvrait courbée dans la douceur du blanc paradisiaque de ce lit. C'en était presqu'une invitation. Et si l'auditeur se sentait d'humeur fusionnelle devant cette ravissante image, ça ne pouvait pas mieux tomber. Malgré son accueil très mitigé à sa sortie, Lemonade and Brownies est un disque de fusion pure, unique dans le genre. Et pour la petite histoire, certains se
sont amusés de la similitude entre la pochette de ce premier effort de Sugar Ray et le <i>Teenage Dream</i> de Katy Perry.
Suicidal Tendencies - Prime Cuts (1995)
Suidical n'avait jusque-là jamais utilisé la symbolique du suicide pour ses couvertures d'albums, dont l'une d'entre-elles avait frolé le génie (la mise en scène avec La Jonconde d'Art of Rebellion, que je ne possède toujours pas, le disque - La Joconde non plus d'ailleurs). Toute la symbolique de Prime Cuts, finalement explicite, ne réside pas tant dans son graphisme, bien que le minimalisme et le coup (classique) de ne colorer que le sang fonctionnent très bien malgré le côté déjà-vu de l'exercic. Ce qui est intéressant et fort ici, c'est que ce disque est une compilation qui sort au moment où Suidical Tendencies est le plus secoué par des turbulences. Le groupe sait que son contrat avec Epic se termine. Il perd surtout trois de ses membres en route, dont le mythique Rocky George et le génie Robert Trujillo, arrivé six ans plus tôt au sein de la formation créé par Mike Muir. Sans faire de la symbolique de bas étage, ce "suicide" pour dévoiler un best-of est un clin d'œil habile et esthétiquement propre à la trajectoire du groupe. Quelques années plus tard, S.T se reformera et continuera à modifier son line-up, tel un mouvement perpétuel de gravité dont le centre restera éternellement Mike Muir. "Pledge your allegiance !"
Tes - X2 (times two) (2003)
X2 est de ces albums retournés dans l'ombre de l'histoire du hip-hop experimental. Né sur le sous-label rap (pour simplifier, c'est un peu plus compliqué en réalité) de Warp, Lex Records a participé à l'éclosion de Boom-Bip, Non Prophets ou encore Danger Mouse. Le catalogue est finalement assez vaste, et ce premier album de Tes est à l'image de ce que produisaient les branches indie du rap américain alors. X2 a pourtant eu un petit écho pour son simili-banger qu'était "New New York", qui n'est pourtant pas la piste la plus intéressante de ce disque, finalement plutôt accessible malgré l'étiquette qui lui colle à la peau. Son packaging est tout l'inverse : cryptique à souhait. Nul ne sait si c'est une référence au Test du χ², pratique appréciée des statisticiens. Ce qui est certain, c'est que le graphisme de ce disque est une véritable œuvre codée, remplie de courbes, de formules mathématiques, de quadrillage façon papier millimétré et de symboles semblant avoir anticipé La Horde du Contrevent d'Alain Damasio, X2 est un très bel objet. Exclusivement tourné autour de trois couleurs posées sur fond blanc, à la fois épuré et bourré de détails, avec un boitier cartonné imprimé en relief façon papier gaufré, le disque a des allures de formule secrète. Aujourd'hui, elle est toujours d'actualité, l'album de Tes ayant bien mieux vieilli que nombre de ses contemporains.
Ugly Kid Joe - As Ugly As They Wanna Be (1991)
Avant la déferlante "Everything about you" et l'album America's Least Wanted qui touchait déjà à la parodie et à l'univers sale-gosse-loser, il y a eu cet EP où le tube d'Ugly Kid Joe était déjà au menu. Mais ce qui tape fort sur l'acte de naissance de la formation de Whitfield Crane et sa bande, c'est ce personnage de Joe, l'horrible gamin qui aurait dû concurrencer Beavis & Butthead tellement il était bien plus cool. Seule sur la pochette, déjà en train de faire des doigts d'honneur, la mascotte d'UKJ est devenue une référence pour un paquet de teenagers de la planète, votre fidèle serviteur ugly kid zo. en tête. L'EP, lui, singe le titre du As Nasty As They Wanna Be du 2 Live Crew. La surenchère au moins-que-rien était le rayon d'Ugly Kid Joe, la parodie également puisque leur premier album les proclamera "Américains les moins recherchés (ou désirés)", faisant référence à la célèbre émission télévisée American Most Wanted qu'Ice Cube avait déjà détournée d'une manière beaucoup plus cinglante. Le personnage de Joe n'accompagnera pourtant pas l'ensemble de la carrière d'UKJ, tenanciers d'un hard rock efficace, bien joué et trop souvent réduit à son image potache et à ses hits rock FM ("Everything about you", "Cats in the Craddle" et "Busy bee"). Voulant être perçu de façon un peu plus sérieuse, ne pas être réduit à de la déconne et une mascotte, Ugly Kid Joe délaissera au final cette iconographie à l'occasion de Menace to sobriety (1995), puis de Motel California (1996). Malgré la qualité du premier cité, ces deux albums seront des échecs. Le public veut des sales gosses et du rock FM qui tache. Le groupe se séparera à l'issue de Motel California et lorsqu'il fera son retour - peu concluant - dans les années 2010, la figure de Joe sera réhabilitée, et même zombifiée à l'occasion de Uglier Than They Used Ta Be. Le coup des revenants, pourtant très à la mode, n'a malheureusement pas rencontré le succès espéré. Ce n'était pourtant pas la première fois que la mascotte de Joe a pourtant servait à passer des messages dans l'histoire du groupe. Pour la sortie d'America's Least Wanted, des distributeurs zélés sur le patriotisme avaient refusé de mettre en rayon une pochette détournant la statue de la Liberté En réaction, le groupe et sa maison de disques avaient alors réédité l'album avec un nouveau visuel, montrant Joe, baillonné, chaine au pied et le regard stupéfait.
Various - Xen Cuts (2000)
LE label anglais des années 1990, fondé par Coldcut célèbre en 2000 ses dix ans. Pour cela, il sort une compilation d'inédits. Comme pour tous les projets collectifs de Ninja Tune, le visuel phare du label est de sortie. Il s'agit de son logo. Redesigné en 1994 par Kevin Foakes, l'un de ceux qui se cachent derrière le nom de DJ Food, la création sera centrale dans l'identification de Ninja Tune par le public, autant qu'elle en dira plus que tout un tas de long discours. Car Ninja Tune est bien label aussi habile que farouchement indépendant, d'abord créé pour les DJs. Ce n'est pas par hasard qu'un ninja lance des disques vinyles comme des hira shuriken. Ici, la personnification de la structure fondée par Coldcut a tout de la 3D du début des années 2000. Pour le dire clairement, la pochette a un côté vintage d'un point de vue technologique, et ça a un peu mal vieilli. Mais le coffret est absolument génial. Chacun des trois CDs enfermés dans le boitier cartonné reprend une déclinaison du ninja. S'y ajoutent deux livrets frénétiquement illustrés des pochettes des albums sortis par le Ninja Tune pour retracer le parcours du label et son catalogue. L'objet a existé en plusieurs versions. Ici, c'est celle à trois CDs rassemblés dans un slim-case qui est présentée. En 2000, au moment où le ninja était au sommet de son ninjutsu, cette compilation et le soin apportés ont parfaitement résumé la bannière sous laquelle était reconnaissable des artistes aussi divers que Kid Koala, Amon Tobin, The Herbaliser ou Funki Porcini. Mieux même, elle donnait à ce lineup extraordinaire une incroyable impression de cohérence, sans pourtant jamais avoir écrasé l'univers sonore ou visuel d'un seul de ses artistes. Car comme tout bon Ninja, le label de Coldcut savait être furtif en s'effaçant avec discrétion pour laisser les propres créations de ses artistes briller.
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Interview : Dabaaz
Interview de Dabaaz pour l'abcdrduson. com / Photographie : archives personnelles de Dabaaz & Drixxxé
Interview : DJ Fab
Interview de DJ Fab réalisée avec Bachir pour l'abcdrduson. com / Photographie : Ronay