MC Skat Kat, like a rolling stone
J'ai déjà parlé ici (dans un article que je n'ai jamais terminé), de ma fascination pour MC Skat Kat. En pleine apogée de la rencontre entre humains et toons, magnifiée par le film culte Qui veut la peau de Roger Rabbit ? le rappeur chat se chauffant avec Paula Abdul, vivant à 300km/h, et ayant l'arrogance d'un loubard avait compté dans mes premiers liens avec le rap et le hip-hop.
En faisant des recherches sur un tout autre sujet musical, j'ai atterri de lien en lien sur un classement intitulé "10 Most Hated Classic Rock Albums". Publiée sur le site WhatCulture, cette liste m'a intrigué. J'ai donc commencé à la parcourir. À la quatrième place, j'y découvre un album des Rolling Stones que je n'ai jamais écouté : Dirty Work.
Le court texte est accompagné d'un clip, celui du morceau "Harlem Shuffle". Ce dernier contient de nombreux codes communs à ceux de MC Skat Kat. Des chats animés, principalement un, vont en club et régissent aux actions des différents performers de la vidéo, notamment une danseuse. Je n'ai pas réussi à retrouver son nom, mais elle n'est pas sans rappeler Paula Abdul, avec qui MC Skat Kat a fait ses débuts. Les chats sont dragueurs, aguicheurs, et représentent la vitesse. Contrairement à "Opposites Attract" avec MC Skat Kat et Paula Abdul, les chats n'interagissent pas directement à l'écran avec les acteurs façon Roger Rabbit. Le premier titre de MC Skat Kat est sorti en 1988, la même année que le film de Robert Zemeckis, alors qu'"Harlem Shuffle" était sorti en 1986.
Indubitablement, même si ce n'est pas reconnu par ses créateurs (ni abordé avec eux), le clip des Stones n'a pu qu'influencer Paula Abdul et l'équipe de MC Skat Kat. Si Candace Reckinger et Michael Patterson préfère parler de la scène précurseure du film Escale à Hollywood, où Gene Kelly danse avec Jerry (de Tom & Jerry), ça m'a semblé évident en tombant sur ce clip des Stones qu'il n'avait pu qu'orienter le travail autour de MC Skat Kat. Plusieurs commentateurs soulignent par ailleurs l'importance de la figure du chat dans la musique à l'époque, sans que je puisse vraiment dire si cela semble bien réel ou supposé. En tous cas, en se baladant sur internet, il est facile de constater que de nombreux auditeurs et téléspectateurs font le rapprochement entre la vidéo d'"Harlem Shuffle" et celle de "Opposites Attract".
En France, je crois que MC Skat Kat est relativement passé inaperçu, bien que le titre ait quand même été classé au top SNEP (dans l'hexagone, sa meilleure position aurait été 23ème à en croire la page wikipedia anglophone dédiée au titre). Aux USA, c'était toute autre chose. Vulture, qui a récemment consacré un excellent article au meilleur chat du rap américain, rappelle l'énorme succès qu'a été "Opposites Attract". Le titre a été numéro au billboard pop grâce à son clip, tabassé par MTV. La chaîne musicale avait même proposé à Michaël Patterson et Candace Reckinger d'en faire sa mascotte. Le clip a lui été primé par le Grammy de la meilleure vidéo.
Quant à Paula Abdul, avant d'être une icône pop, elle était une chorégraphe. "Harlem Shuffle", des Stones, est le nom d'une danse célèbre, inventée par le duo Bob & Earl. Pour rester dans le rap, vous connaissez forcément au moins les premières secondes du titre original. Quand "Jump Around" de House of Pain résonne quelque part et que vous entendez la horn section qui annonce le début du titre, c'est la version originale de "Harlem Shuffle" qui est samplée.
Un site rapporte que Derrick Delite Stevens, le rappeur prêtant sa voix à MC Skat Kat, aurait lui été auditionné pour participer au "Harlem Shuffle" des Rolling Stones. Je n'ai pas pu recouper l'information. L'hypothèse serait en tous cas savoureuse et si elle est avérée, tous ces éléments mis bout-à-bout en disent pas mal sur la dynamique de l'époque.
Plus logiquement, Dirty Work voit une pelletée d'invités prestigieux accompagner les Stones. Il n'est pourtant pas facile de déceler qui est vraiment sur "Harlem Shuffle", principalement en backing vocals. Bobby Womack - référence ultime dans le rap pour sa musique largement samplée - aurait par exemple participé à la reprise de Bob & Earl par les Stones en backing vocals, tout comme Tom Waitts. Wikipedia indique même une liste plus improbable, et qui mélange possiblements d'autres featurings propres à l'album Dirty Work, puisque l'encyclopédie indique en casting de choristes à faire pâlir un organisateur de remises de Grammy dans les années 1980 : Jimmy Cliff, Don Covay, Beverly D'Angelo, Kirsty MacColl, Dolette McDonald, Janice Pendarvis, Patti Scialfa et Tom Waits... Rien que ça. Bon, en même temps, ce sont les Stones !
MC Skat Kat, lui, malgré l'énorme succès de son premier titre avec Paula Abdul, ratera son émancipation. Son album solo, sorti en 1991 fera un relatif flop. La figure iconique qu'aurait pu être le chat mi-loubard mi-rappeur se retrouve rapidement ringardisée à sa vocation première : un objet pour kids. Nous sommes en 1991, et même si la vidéo est reconnue pour sa qualité, l'art du vidéoclip passe un sérieux cran. Les budgets explosent encore plus, et des machines telles que Michaël Jackson (déjà le boss du clip depuis "Thriller") ou les Guns N' Roses (en 1992), réalisent des clips ultra scénarisés, avec des cameo de luxe, du morphing (énorme innovation pour le grand public à l'époque), ou encore des moyens caméra hors-normes. Que ce soit "Black or White" en 1991, ou "November Rain" en 1992, ces réalisations coûtent plus d'un million de dollars, ce qui les classe parmi les clips les plus chers de l'histoire.
Bonus : un bloggueur s'est amusé à lister cinq titres des années 1980 dont les vidéos incluent des caractères fictifs et dessinés. C'est une belle mise en perspective de comment la musique s'est visuellement appropriée des évolutions technologiques, et c'est à lire ici !
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